Dan Arnold : ici on est loin de l’Australie
Nous observons depuis la salle à manger du restaurant du Couffour
les flocons chargés d’eau tomber sur le Caldagués. « On
est loin de l’Australie », murmure Dan avec sa petite
pointe d’accent. « Ici c’est surtout le soleil qui me
manque. Chez nous c’est le début de l’été forcément… »
Son regard se perd bien au-delà des vitres et des maisons de
Lescure. Dan Arnold est arrivé en France en 2010 en Bourgogne chez
Marc Meneau pour apprendre la cuisine. Il a rencontré sa femme un
jour d’excursion en région parisienne où il allait souvent pour
visiter la capitale. En 2011 il parvient au Couffour avec Amélie,
son épouse, aux racines puydômoises. Ils vivent à Maurines avec
Aïden leur fils de cinq mois, né à Saint-Flour. C’est dire si le
Cantal lui colle à la peau. Là bas aux antipodes il effectuait des
petits métiers dans les restaurants au cours des vacances. «Et
puis je me suis aperçu que j’étais fait pour la cuisine alors
j’ai dit à mes parents que je voulais me lancer dans la
gastronomie et arrêter mes études de médecin. Ce fut compliqué.
Mon père a compris, ma mère a mis du temps. Aujourd’hui ils
voient que je suis dans mon élément. J’ai toujours baigné dans
la restauration. En Australie je fréquentais des gens qui
participaient au Bocuse. En France je suis arrivé chez Marc Meneau.
C’est dans une cuisine que je prends le plus de plaisir. Et pour le
Bocuse j’ai intégré que je pouvais participer. J’ai fini 3e à
celui d’Asie Pacifique. Je me suis fait à l’idée. Je suis
capable de concourir pour l’Australie. Je suis bien entouré, j’ai
une bonne équipe avec laquelle je m’entends bien. »
Amélie garde le bébé, mais pas seulement. « Elle me
décharge des tâches administratives, de la communication. Ses
journées sont bien remplies. Elle me connaît, elle sait mon
comportement. Elle s’occupe de toute l’intendance, les réponses
aux mails : je n’écris pas bien le français encore. Elle ne
veut pas que je m’inquiète de toute une partie de la préparation.
Elle fait mes plannings. Avec elle je suis en totale confiance. C’est
un travail énorme pour elle. Elle est un atout considérable pour
moi. C’était pareil pour Serge avec Marie Aude. » Serge
met à disposition ses installations et locaux. « J’ai
avec lui un contrat moral. Depuis 5 ans je suis avec lui. Sans lui je
ne serais certainement pas là à préparer ce Bocuse. Nous avons
passé un deal. » Dont il ne dévoilera pas les termes
avant d’ajouter simplement : « Je resterais quelque
temps encore ici, quel que soit le résultat. » Pour
l’instant il s’entraîne au Couffour, cherche, affine la recette
finale avec Romuald Fassenet et Yoann Chapuis. Ils se rencontrent
régulièrement, participent à des simulations, un remue-méninge
permanent. « La difficulté sera de ne jamais oublier
l’Australie et ses saveurs, ses épices, ses spécificités.
Le défi est de faire le lien entre le poulet de Bresse et mon pays
d’origine. Le problème c’est de trouver l’idée qui fait la
différence permettant de faire la jonction entre ici et là bas.
Nous avançons. Il faudra que nous entraînions derrière nous le
jury pour le transporter en Australie avec déjà plein de choses,
dans les détails, la présentation, etc. » Avant, force
sera de reproduire inlassablement l’épreuve la préparer d’abord.
Ils installeront un box, réplique de celui de la compétition.
Ensuite 18 simulations s’effectueront à l’aune de la finale. À
l’issue de chaque exercice, 14 personnes testeront et donneront
leur avis sur le résultat. La neige continue de tomber par
bourrasque sur le chateau...
Nous le retrouvons le
lendemain en pleine préparation physique et mentale avec Hélène
Dizac à Caleden sous un air d’ACDC. « Le concours durera
5 h 35 comme dans un stade » où le public peut
contenir jusqu’à trois mille personnes. C’est un vrai Show. Avec
Ryan Cosentino classé meilleur commis lors de la finale
Asie-Pacifique 2016, présent en Caldagués, australien comme
lui, ils devront affronter le bruit, la foule, le jury, le stress...
Il doit arriver en pleine forme. Le mental il le possède, se compare
« à quelqu’un poursuivi par une grosse boule qui tente de
l’écraser » comme Indiana Jones dans « à la
recherche de l’arche perdue ». Il ne peut plus s’arrêter.
Une vraie cavalcade a commencé et ne cessera que le 25 janvier.
Cette course il compte la mener à bien pour lui et ceux qui le
soutiennent. À Caleden, un de ses principaux partenaires, le but est
de: « Conforter sa résistance, l’entraîner à se
départir du stress et de la pression. Un travail sur
le corps et l’esprit pour l’habituer à l’automatisation, aux
gestes répétitifs, éviter les accidents comme une tendinite ou un
blocage musculaire qui fatalement interagiraient sur
son mental. Ici il fait trois heures chaque mercredi matin. Il faut
qu’il sente bien son corps. Il a pris du muscle. Il fait deux
autres séances en autonomie principalement des kilomètres en vélo.
Sa progression est satisfaisante, il n’a aucun problème physique,
améliore son endurance, poursuit son renforcement musculaire pour
affûter tout son corps. » Affirme Hélène Dizac. Ce sont
5 heures intensives hebdomadaires pour un : « bien dans
son corps, bien dans sa tête ». Il progresse d’une
séance l’autre. Il dort bien. Cinq heures d’affilée par nuit en
moyenne c’est son rythme. Il sait le « sommeil important
et réparateur. Dan affiche un calme olympien. » Un
peu agacé cependant par l’appareil photo. Il choisit lui-même le
cliché qui illustre ce « papier », le voilà rasséréné.
Cet entraînement construit fatalement une condition physique quasi
idéale. Dans l’enceinte Bluetooth, ACDC reprend ses droits. « Ici
on est loin de l’Australie ». La musique a effectué le
voyage avec lui. P.P.