Daniel Humair à bâtons rompus.*

 


Daniel Humair est un batteur et compositeur de jazz ainsi qu’un peintre suisse, né le 23 mai 1938 à Genève. Il est considéré comme l’un des meilleurs batteurs de jazz mondial. Parallèlement à sa carrière musicale, l’artiste poursuit une intense activité de peintre depuis 1963. Vous pensez bien qu’un fan ne manquerait pour rien au monde son passage en Caldaguès pour le rencontrer. Il m’a accordé 45 minutes d’interview. Il possède une mémoire phénoménale. Je ne retranscris pas ici la totalité de l’entretien souvent en termes ésotériques pour le grand public. Extraits d’une discussion à bâtons rompus.

Autodidacte, il affirme: C’est un avantage qui donne une immense liberté. On pioche ici ou là selon nos envies dans n’importe quel domaine. Mais cela m’a valu une grande désillusion lorsque j’ai voulu me mettre au piano pour lequel il fallait détenir une maîtrise technique que je ne possédais pas. Du coup, le piano…

Avec Miles Davis, nous logions dans le même hôtel à Paris, nous étions copains, voisins. Et il souhaitait m’engager pour son groupe, cela ne s’est jamais concrétisé malgré sa promesse. Il a été happé par la gloire et n’a plus contrôlé sa vie. Il avait un staff autour de lui qui décidait de tout, filtrait les visites. Je l’ai revu une fois à Newport en 1969.

Le cinéma, là, il trouvait en face de lui un autre cinéphile, voire cinéphage. Je parlais de Bertrand Tavernier et d’autour de minuit. Lui, il louait Bird de Clint Eastwood. Me renvoyait à Orson Welles, Robert Altman, Jean-Pierre Melville avec lesquels il a travaillé sur les musiques de leur film, ou Bernardo Bertolucci pour le dernier tango à Paris. On peut ajouter Michael Cimino, ou Sam Mendes.  

Anecdote. Alors qu’il jouait tous les soirs au Caméléon, quatre jeunes grecs, un peu clodos, venaient le voir régulièrement. Il leur a posé la question que faites-vous . Ils se nommaient : Vangélis Papatanasious le claviériste, Demis Roussos le bassiste, Lucas Sidéras le batteur et Silver Koulouris le guitariste, en fait le groupe Aphrodites Child en rade à Paris en 1968

Gastronomie. J’apprécie son album « sweet and sour » « aigre doux », le moment d'aborder l’art du bien-manger. Je connais Chaudes-Aigues pour son chef au Couffour, magnifique, un des plus grands. Malheureusement...(l’entretien se déroule le mardi 11 juillet) . Alain Gerber, critique de jazz et gastronomique, m’a parlé de Guy Savoy, j’y suis allé avec mon épouse et là j’ai compris le sens du mot gastronomie.

Humeurs. Humair ! D’aucuns disent vos humeurs ? « Oui, je sais ce qui se raconte. J’ai mauvaise réputation. Je ne supporte pas les gens qui arrivent en retard, l’amateurisme, ceux qui se ramènent bourrés ou shootés. Moi, je n’ai fumé qu’une cigarette dans ma vie. Je ne me suis jamais drogué… je suis toujours à l’heure. Si je demande un tapis pour ma batterie, c’est pour qu'elle ne glisse pas et ne raye pas le parquet, pas un caprice. Il paraît que je m’adoucis en venant vieux dit-il dans un sourire.

Les disques Le jazz reste essentiellement une musique de concert. Ils ne se distribuent pas énormément. Un succès en la matière compte 20 000 ventes, loin des chiffres de la variété. À 85 ans, il continue à jouer. En deuil de son épouse, sa fille hospitalisée sans grand espoir de guérison perturbe sa vie actuelle. Un moment de silence. Il a tenu à honorer le rendez-vous Caldaguès.

Localisation. Puis, je lui fais remarquer qu’il a travaillé avec les meilleurs. Il me répond avec la plus stricte humilité. Vous savez, je me suis trouvé au bon endroit, au bon moment. À cette époque dans les années 1950 à 1970, les noirs ne pouvaient pas se produire dans les cabarets aux États-Unis, alors ils traversaient l’Atlantique et trouvaient refuge à Paris. Je me suis retrouvé dans la mouvance. J’en ai profité. C’est ma localisation qui m’a fait rencontrer les plus grands et devenir un batteur professionnel.

Elek Bacsik. Vous avez participé aux deux seuls disques qu’il a enregistrés sous son nom. Il a accompagné Gainsboug, Nougaro, Higelin et tant d’autres en jazz ou variété. Après l’enregistrement de Nuages, il affirme « le batteur Daniel Humair est toujours prêt à innover ». Le batteur de poursuivre « Bacsik était Hongrois. Il jouait de tous les instruments pas seulement de la guitare c’était un Tzigane.  Elek était un musicien incroyable, très gentil, mais peu soucieux de se vendre plutôt porté vers la performance. 

Peinture. On me pose souvent cette question : vous faites de la peinture ou de la musique ? Je fais les deux. Les liens entre peinture et musique sont forts. Il y a certes l’improvisation. Il y a aussi la vitesse du geste, la dynamique, la précision d’un certain trait parce que le geste du batteur est extrêmement rapide et précis. J’essaie d’appliquer ça aussi en peinture.

J S Bach. De Bacsik, nous voilà chez Jean-Sébastien Bach, joué et repris par le Jazz et… Je cesse là, nous nous accordons sur l’universalité du Cantor. Beaucoup de sujets de spécialistes nous occuperont encore. Mais terminer par Bach tisse un lien entre nous. 

  

Vous pouvez apprécier les tableaux de Daniel Humair à la chapelle des pénitents jusqu’au 15 août de 15 h 30 à 18 h 30.

*titre du livre de Franck Médioni sur Daniel Humair

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