Elle revient sur le séjour de son enfance à Anterrieux.



Lucie Bartoli née à Marseille le 9 mars 1935, 88 ans, revient sur les deux années qu’elle a passées, pendant la Deuxième Guerre mondiale, à Anterrieux il y a 80 ans. Le 9 mars 2023, elle fêtait son 88e anniversaire. Son fils et sa compagne l’ont véhiculée pour le voyage depuis Marseille où elle habite toujours. Cet après-midi-là, elle raconte une partie de son histoire aux bénévoles les plus assidus du musée de la résistance. Elle parle de ses souvenirs, de ses pieds « gelés », durant le premier hiver, les crevasses de ses lèvres, son anémie. « Je pesais 18 kilogrammes. Lait, beurre, crème et fromage plus le grand air, le pain cuit au four banal, une nourriture saine m’ont revigorée. Je ne suis pas difficile, j’aime tout, je mangeais de tout. Je me suis remplumée en quelques mois. Les gerçures ont disparu, mes pieds ont réapparu normaux, un miracle et depuis je n’ai jamais rechuté, j’ai guéri ici. » Et sa maman restée à Marseille, « je me suis habituée à la situation ». Parfois, les larmes lui montent aux yeux d’autres souvenirs plus douloureux dans sa vie qui lui reviendront. Les chaussures de Marseille devenaient trop petites, on lui donna des sabots noirs auxquels elle dut s’habituer. Elle se remémore encore ces deux nuits dans les bois pendant les exactions des Allemands. Du maire qui l’a amenée chez les Beaufils, un couple sans enfant, où elle recouvrera la santé au grand air de l’Aubrac. « Ici, je mangeais à ma faim les bonnes choses produites par ma famille d’accueil. » Elle ne se souvient plus de l’école ou de l’église le dimanche. Pour le reste pas de doute, elle vivait bien là ces deux années. « Je gardais les vaches. Monsieur Beaufils me faisait écrire à ma mère régulièrement et puis le courrier ne nous parvenait pas et ne partait plus. J’ai vécu le reste de mon séjour sans nouvelle de ma maman ». Elle marque un temps d’arrêt, l’émotion . Le passage des maquisards l’a marquée. Elle possède des points de repère que ses interlocuteurs complètent ou corrigent. Elle était revenue dans les années 1960 avec son fils, aujourd’hui retraité, il avait 5 ans. « Je ne reconnaissais personne. Un monsieur s’est rappelé de moi et de l’état pitoyable dans lequel je suis arrivée en 1943. » Elle visitera le minuscule musée, découvrira des photographies du village détruit. Les Beaufils n’habitaient pas dans le bourg, la ferme se trouvait à l’écart. « Rentrée à Marseille, je retrouvais mes copains qui se moquaient de l’accent que j’avais attrapé en Auvergne. Ils me posaient beaucoup de questions, mais ce qui les amusait le plus c’était le nom des vaches. Ils en riaient beaucoup. À la libération, mon père n’est pas revenu des camps, mort du typhus. Maman devenait veuve avec 4 enfants à nourrir. » Aujourd’hui, elle semble apaisée par ce pèlerinage et l’accueil sincère qu’elle a trouvé. Elle se remémore Monsieur Beaufils qui lui affirmait : «  si ta mère, tu ne la retrouves pas, on te gardera avec nous. » Les Beaufils n’habitent plus depuis longtemps sur la commune. Elle appréciera la séance photo avec ces gens curieux et heureux de la rencontrer, avec son fils et sa compagne. Sa visite valait remerciement implicite à sa commune d’accueil.

 

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