« Construire un feu » une histoire en trois dimensions
Ils
étaient petits et grands, une septantaine pour une rencontre au
cinéma La Source avec le talent de Jack London. Une lecture dessinée
et musicale. L’écrivain situe l’action de cette nouvelle dans le
Klondike, qu’il a lui-même connu pendant l’hiver 1897-1898
en participant à la ruée vers l’or. Le héros sait que la rivière
est complètement gelée même si elle peut cacher des pièges
mortels. Lorsqu’il s’arrête pour déjeuner, le froid l’oblige
à construire un feu. « Accroupi dans la neige, il tirait des
branchettes du fouillis de bois mort et les posait directement sur la
flamme. Il savait qu’il ne pouvait risquer un échec. Quand il fait
soixante-quinze degrés au-dessous de zéro, on ne peut pas échouer
dans sa première tentative de construire un feu… » La voix
de Phillipe Malassagne est claire, la diction parfaite, chaleureuse.
Dans une langue simple, centrée sur l’action, Jack London donne
une leçon d’humilité aux hommes. L’être humain n’est pas
plus fort que la nature ; qui avec ses lois se chargent de le
lui remémorer. Le chien, s’il n’a pas son intelligence, possède
un instinct infaillible. « L’homme, quant à lui, aurait dû
entendre les paroles du vieux sage... » Cette nouvelle est
forte, cruelle par certains aspects, mais d’une belle profondeur à
l’intrigue minimale, le style dépouillé dans un langage
cinématographique appuyé par les bruitages de Richard Hery. Sa
musique sert de ponctuation au phrasé du conteur, une respiration
pour « ne pas détruire la mélodie de la lecture ». « En
hiver, par une journée sans nuages, un homme marche dans la neige,
seulement accompagné d’un chien ; ce soir, il retrouvera ses
compagnons qui empruntent un autre itinéraire. C’est son premier
hiver au Klondike et aujourd’hui il est surpris par l’intensité
du froid. » L’illustrateur, Ulysse Malassagne, joue sur
différentes eurythmies en décalage avec le texte. Son dessin prend
de l’avance pour anticiper le propos, alimenter le suspense.
L’épure à l’encre de Chine noire sur un papier blanc souligne
l’action. L’immaculé du vélin attise la froidure de la neige,
apporte un complément narratif. « Quand il reprend sa route,
le chien semble hésiter à abandonner la chaleur du foyer créée
par l’homme. Soudain la glace casse sous ses pas... » Un
spectacle singulier
en trois dimensions,
une œuvre qui donne à voir et à entendre associant la littérature,
la musique et les arts graphiques. Proposé dans le cadre des
« intermèdes 2014 »
par la médiathèque départementale en partenariat avec la
médiathèque Caldaguès.