Dragonne a regagné son Gaec de Ladignac
Après dix jours à se pavaner au salon de l’agriculture et avoir
effectué un tour sur le ring de l’Aubrac pour rafler la mise au
concours général en catégorie « Vaches âgées » et en
« championnat femelle » notre miss caldagués, Dragonne,
est rentrée à la maison. 24 heures après son retour nous avions
rendez-vous avec la belle et son « manager » à Ladignac
pour nous entretenir sur l’aventure et les coulisses du salon.
Maryse et Jean-Louis Bertrand affichent sourire radieux et fierté
idoine. Le temps de récupérer de sa performance Dragonne demeure à
l’écart de ses congénères. Ondine sa grand-mère en sait quelque
chose, elle qui il y a onze ans avait obtenu cette récompense.
Toujours dans l’étable avec ses 19 ans « Elle est sur la
fin » affirme Jean-Louis. Elle a le même âge que leur
aîné Alexandre qui veut la garder. Comment amener un bovin de la
naissance, à la compétition, au gain d’un prestigieux trophée ?
Jean-Louis et Maryse, son épouse, racontent ce parcours, le travail
au quotidien. « Dragonne a pour elle la lignée tant du côté
de la mère que du père. À 9 mois, c’était déjà une belle
vache. Déjà cabotine : les élèves du collège Louis Pasteur
ont tourné en 2010 une vidéo avec elle, elle a dû aimer. Ils l’ont
promenée, filmée, elle est restée docile. Elle est
devenue championne à Saint-Flour cet automne. L’an dernier, on
rate la première marche. Cette année, ça a souri. Cependant, rien
n’est dû au hasard. » Premièrement, posséder la
passion chevillée au corps. « La préparation commence deux
mois avant le salon de l’agriculture, on la peigne, on vérifie
l’absence de trous dans la robe. Nous évitons qu’elle ne se
gratte, chassons les parasites. Nous devons la laver, l’étriller
entièrement très régulièrement, lui attribuer une nutrition
spécifique, un traitement de faveur tant pour l’alimentation que
pour son aspect général. Le reste de l’année, elle accompagne
les autres, va à la pâture normalement et monte à l’estive avec
ses semblables. Le toilettage porte ses fruits. Tout compte dans une
présentation. Tous les détails s’apprécient : pelage,
démarche, port de tête, l’envie du podium... Chez certains
animaux c’est de naissance : Dragonne en possède le don et
aime ça. Notre grande peur c’est que dans le transport elle frotte
sur un endroit ou l’autre du camion et se retrouve pelée sans que
l’on puisse y remédier par le toilettage. » Le
gain d’un tel challenge c’est la cerise sur le gâteau qui
récompense le travail, mais aussi le savoir-faire et l’expérience.
« Dragonne aime les concours, le monde, monter sur le
ring. Elle possède une belle démarche, tient la tête
haute avec élégance. Elle a le goût de m’accompagner
sur le podium, marche au même pas que moi. Elle comprend. Elle sait
se montrer à son avantage. Sur 200.000 animaux que compte la race,
il n’existe que 5 ou 6 bêtes de cette trempe. C’est aussi cette
volonté, cette fierté qui marque un jury. Il y a dix ans les
animaux étaient jugés à l’attache. Aujourd’hui, les choses se
sont complexifiées avec la concurrence et les passages sur le ring.
Dragonne a mieux assimilé le dressage par “la
méthode Souvignet” que toutes nos génisses subissent. Elle
affiche des prédispositions certaines… » Cela
conforte l’image de l’élevage et apporte une représentation
positive. C’est un aboutissement construit avec ferveur par la
famille avec en prime un grand respect de l’animal et la modestie
que ce métier impose. Les sollicitations sont nombreuses.
« Beaucoup de gens viennent voir l’exploitation, nous
rencontrer, parfois de loin, le dernier arrivait de Moselle. Nous
profitons de ces moments avec satisfaction, mais surtout humilité.
Ce genre de prestation et de notoriété apporte une réelle
plus-value. Nous, tous les éleveurs, n’irions pas au salon,
l’Aubrac n’existerait pas. Notre victoire devient celle de la
collectivité, de la race, du pays. Les délégations étrangères
passent devant nos animaux, s’arrêtent, nous choisissent comme les
Algériens qui nous ont ouvert leur marché. Actuellement, les Russes
se montrent intéressés. L’utilité d’une telle manifestation,
de notre présence avec des individus primés me semble évidente et
importante. » L’Aubrac s’habitue à tous les milieux.
De jolis noyaux existent en Allemagne, en Irlande et en Suisse. Le
coût ? « On paye notre hébergement, l’union Aubrac
le transport et les organisateurs le séjour de l’animal sur le
salon. Nous étions 16 éleveurs, nous demeurons à tour de rôle sur
la manifestation, même si les bestiaux restent sous la
responsabilité des organisateurs. » C’est
un prix à payer, un investissement. C’est tout un travail,
des heures, tout au long de l’année même si l’animal reste avec
l’ensemble du troupeau une grande partie du temps. C’est aussi le
résultat d’une expertise, d’une passion. « Nous aimons
nos vaches pour le pays, la race, ce qui aujourd’hui ne va pas
toujours de soi comme auparavant, le métier se complique, là aussi,
chaque jour. » La famille Bertrand ne cache pas sa
satisfaction dont Renée, la maman de Jean-Louis, 86 ans, assiste à
notre entretien. Elle apprécie à sa juste valeur les tâches
accomplies, bien dans la tradition de la maison, par Maryse et
Jean-Louis, sans oublier ses petits enfants Alexandre et Julien.
18 mars 2006. Ondine rentrait premier prix du salon. La famille consulte la presse et les photos. |
22 janvier 2010. Dragonne, déjà vedette, tourne un film avec les collégiens. Elle se prête déjà parfaitement à l'exercice |