Denis Turière une vie bien remplie


Denis Turière vient de mettre une partie de son existence sur le papier, une autobiographie en deux tomes et 900 pages. Qu’avait-il de si important à dire ? Il raconte simplement sa vie, celle qui l’a amené d’Oradour au Moulin de Filhon en passant par Paris, Lomé et quelques autres lieux du globe terrestre. Je ne connais que sa réputation d’homme d’affaires. Par curiosité, je me procure les ouvrages. J’ai avalé le tout en dix jours chapitres après pages. Entre « le cheval de Marsac » de Louis Michel Cluzeau et quelques « mystères du Cantal » de Daniel Brugés. C’est ce que l’on peut appeler un grand écart culturel. Quoique... C’est au moulin de Filhon, un lieu que le propriétaire a modelé à l’image de son rêve, qu’il me reçoit, tout en bonhomie. Denis Turiére n’est pas écrivain, c’est lui qui le dit. De cela vous vous doutiez. Mais dans ce pavé, on y entre et l’on en sort que 900 pages plus tard tant il sait décrire son univers, les étapes de sa vie. Un climat à l’aune des valeurs de l’auteur. Oh ! bien sûr, des imperfections grammaticales, littéraires et des entorses à certaines règles squattent quelques passages. L’homme a « quitté l’école » à 13 ans après avoir obtenu le certificat d’études. Puis il a travaillé dans la ferme de ses parents. À 19 ans, il monte à Paris, s’y installera durablement. La guerre d’Algérie lui réclame 28 mois de sa vie : « j’étais persuadé de ne pas y aller, qu’il se passerait quelque chose qui me l’éviterait ». Malheureusement après le déni, la douloureuse réalité du contact avec « l’ennemi » l’angoisse, pour ne pas dire le traumatise. Il nargue, à plusieurs reprises, la vieille faucheuse. Il reçoit une citation à l’ordre de son régiment pour acte de bravoure. Puis affecté au mess des officiers, dont il profite seulement un trimestre avant d’être, au retour de permission, muté dans la police militaire. Il comprend, constate et entend des choses épouvantables. Pendant longtemps, il a gardé, comme beaucoup de ses camarades, tout cela pour lui. Et puis… Il rentre. Son premier amour n’a pas voulu, pu ou su l’attendre. L’émotion le submerge... Sa blessure au cœur, non cicatrisée, il remonte à Paris. Avec Mauricette, ils prennent une gérance puis une autre plus importante et le chemin se poursuit dans une vie conjugale écornée par le travail. Car Denis méconnaît le verbe, se ménager. Mauricette ne sera pas la dernière à boucler sa valise. Et les affaires s’accumulent. Mais malgré « le surbooking », comme on dit aujourd’hui, l’homme n’oublie pas d’où il vient, où il est né. Il pense à sa famille, l’aide tant qu’il peut, revient en Auvergne, quand le boulot le lui permet, au milieu de la fratrie. Les larmes une nouvelle fois suspendent l’entretien… Il y recharge ses batteries, s’efforce de rester celui qu’il demeure toujours, le frère, le fils. Il garde le souvenir d’un père taiseux et d’une mère qui s’arrangeait en permanence pour que les assiettes se remplissent. Elle nous disait « Allez-y mangez. Moi c’est fait. Nous n’étions pas dupes. » L’homme possède une mémoire phénoménale il sait rapporter les sons, les gestes, les couleurs et les odeurs. Il décrit par le menu des situations, des lieux, des instants cruciaux ou futiles. Cette mémoire ne le trahit jamais. « J’aurais voulu dans ce livre dire beaucoup de choses. Ce ne sont que des anecdotes bout à bout. Ce sont les détails qui ont fabriqué ma vie. » Il devient courtier. Mais l’envie de tenir une brasserie huppée le démange. Il possède quelques économies, du courage à revendre maîtrise tous les rouages du métier, « le travail toujours le travail ». Il ignore la signification de l’adjectif oisif. Ajoutons à tout ceci l’ambition, les compétences. Le titre du livre « Vouloir, croire oser » s’érige en devise. Le tout enrobé d’une humilité quasi « simpliste » qui consiste à dire : « si moi je l’ai fait, vous pouvez aussi le faire ». Un beau jour, il se retrouve avec une affaire à Lomé au Togo. Il en a profité pour visiter le pays. Pourquoi se trouve-t-il ici ? Il a promis à un collègue de l’aider, lui rachète son exploitation, qu’il revendra rapidement, « mais j’ai tenu parole ». L’épisode possède les ingrédients d’une comédie cinématographique. « Les voyages constituèrent pour moi une richesse. J’ai beaucoup vu ce qu’il se passait ailleurs. Appris la tolérance envers les hommes, aussi bien musulmans, hindous, juifs ou chrétiens… J’ai lié des amitiés avec beaucoup, sans me préoccuper de leur couleur ou leur croyance. Cela m’a beaucoup aidé dans ma vie, mes affaires ». Il devient quasiment incontournable sur la place de Paris en ce qui concerne les emplacements, les compromis, les montages financiers, les recommandations. Il sait tout avant tout le monde : les changements, ce qui se libère, ce que chacun vaut. Il accompagne les jeunes dans leur installation. Respecté et respectable. C’est la conjonction de ces épithètes qui forgent sa renommée avec en prime un esprit d’à-propos aiguisé. Il négocie avec des multinationales. Rien ne l’effraie. Il tient tête à une grande compagnie « qui veut m’éjecter des Cascades Élysées »... « J’ai un excellent blanc ». Il se lève revient avec deux verres et une bouteille sur un plateau. Il est 11 heures. Le vin se montre effectivement de premier ordre. Voilà déjà près deux heures qu’il se raconte, me subjugue. Nous parlons de ceci et de cela sans lien, mais avec ce fil rouge du titre du livre « Vouloir, croire, oser... » À la lecture de ces 900 pages, on souhaite en savoir plus. Pas comme dans un roman, mais une autobiographie emplie de Sincérité (notez la majuscule). Où l’on se faufile dans un univers « ésotérique », fascinant dans ses mécanismes et arcanes. Je vous laisse trouver, apprécier quelques passages savoureux de stratégie comme une variante de poker. « Je ne connais rien au poker. Je n’aime pas le jeu. La seule fois où j’ai vraiment essayé c’est à Macao ». Pourtant. « Mais ce que je faisais était calculé, en face de moi les autres aussi employaient certaines méthodes. Est-ce que la chance m’a souri ? Ce qui est sur je n’y ai jamais perdu de sous ». Au moment où une grande assurance propriétaire de l’immeuble des « Cascades Élysées, sa brasserie des champs », le pousse vers la sortie il obtient ce qu’il veut pour son départ. Le petit auvergnat matois avec son seul certificat d’études fera plier la compagnie internationale et son escouade d’avocats maison. Il ne craint rien ni personne, mais respecte ses adversaires avec l’abnégation et la roublardise du maquignon sur les marchés aux bestiaux d’antan. Il n’oublie jamais rien de son objectif : son intérêt. À intervalles, il émaille notre discussion, de ce constat : « Je vois que vous avez lu le livre ». Je lui indique la provenance de ce globe terrestre bleu au milieu du salon qu’il décrit dans son ouvrage pour appuyer ses dires. Nous passons aux photographies « Je n’ai jamais su sourire comme les vedettes »… La suite demeure dans « Vouloir, Croire, Oser ».

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