Les Pierre Albisson ont participé au D Day.


Lorsque vous parlez de la deuxième guerre mondiale avec Pierre
Albisson , subitement vous voyez les étoiles du drapeau américain
illuminer son regard. Non pas que l'homme soit un va en guerre ou
d'un américanisme premier, mais il nourrit une passion pour cette
période et collectionne les véhicules symbole de cette époque.
N'essayez pas de l’arrêter quand il vous décrit une tourelle
Maxson, une Willys ou un Dodge, autant vouloir stopper un Sherman
avec ses poings, une vraie encyclopédie, documentation à l'appui.
Cette année, il a participé aux commémorations du « D-
Day » avec Pierre junior habité par la même passion
paternelle. Voilà deux années qu'ils préparent ce séjour en
Normandie. Pour ses 20 ans, Pierre junior s'est payé une jeep. Plus
que d'acheter il faut ensuite retaper, reconstituer l'engin, établir
sa généalogie, son histoire. Mais attention la rénovation ne se
fait pas d'un claquement de doigts avec quelques coups de pinceau. La
voiture acquise en 2011 à Rivesaltes possède un vécu bien marqué.
Elle a été livrée à l'armée française d' Afrique du Nord en
juillet 1943, où elle est restée de 1943 à 1980. Vendue en 1980
par les domaines aux sapeurs pompiers de Rivesaltes puis cédée à
un particulier avant de se retrouver en Caldagués. « C’est
un véhicule historiquement intéressant » affirme Pierre, le
père, qui, nomenclature et catalogue américains sous les yeux
précise, divulgue les codes, numéros de série, inscriptions de
capot. La famille et les amis plongent les mains dans le cambouis
pour la ramener dans sa configuration originelle. Alors on consulte
Internet , on fréquente les bourses d'échange, on active ses
réseaux , les clubs, on troque surtout, on ponce, on désosse et
remonte. Aujourd'hui, le véhicule est immatriculé, il présente les
stigmates de 71 années d'une vie bien remplie, « fatiguée,
mais saine ». Le but n'est pas de récupérer une voiture
neuve, mais une auto où affleurent les empreintes d'une destinée
aventureuse. Fin mai, elle grimpe sur un plateau attelé à un gros
4x4 pour prendre part aux commémorations du débarquement. Là, nos
deux Pierre roulent d'un lieu mythique à l'autre la montrent aux
amis, partagent le gîte où ils logent. Ils possèdent un laisser
passé préfectoral qui les autorise à se déplacer en zone
restreinte de circulation en toute liberté, d' arpenter tous
les coins. Et de musarder, de tomber sur des amitiés anciennes des
« potes belges et canadiens ». Ils ne s’associent à
aucune des reconstitutions, mais vont de retrouvailles en visites.
Sur une bande-son fatalement de Glenn Miller. Neuf jours dans un
onirique univers avec des passionnés : à écouter les plus
diserts, participer au brouhaha ambiant, se retourner sur de très
belles carrosseries, parader en uniforme loin de tout
bovarysme.
Omaha Beach, Sainte-Mère l'église, Arromanches, le cimetière
américain de Colleville, Bayeux, Vierville... Les yeux ne sont pas
assez grands, les journées pas assez longues, les rencontres
toujours trop courtes. « Tu te fais plaisir, tu vois,
admire des véhicules fabuleux, partage tes trucs et quelques bonnes
adresses, tout se termine à table jusqu’à tard dans la nuit ».
Et la table des Caldagués a vite obtenu sa réputation d'accueil
chaleureux. Pierre senior, surtout, et junior sont inépuisables. Le
disque dur de l'ordinateur est saturé de photos. Il y a tant de
choses à dire, voir, expliquer, des souvenirs, des anecdotes. Ils
n'ont pas assez de temps pour tout dire sans jamais user, voire
abuser, de l'attention de l'interlocuteur emporté par la vague. Et
puis ce nouveau projet: une tourelle Maxson qu'il va falloir démonter
entièrement avant de la remettre en son état premier. Elle arrive
dans quelques jours... Le portable de Pierre senior, lieutenant des
sapeurs pompiers, ramène tout le monde à la réalité... Une seule
envie, pouvoir comme eux s'abstraire de tout dans une passion aussi
prégnante.