Christian Peschel 70 ans, 55 ans d accordéon.

Le garnement de l’accordéon avait soixante-dix ans depuis le 16 octobre, anniversaire qu’il aurait pu fêter à Lavastrie chez un autre musicien invétéré, Fernand Mallet. Mais ils vont se retrouver quand même vers Saint-Pierre et de là-haut ils… Christian Peschel traînait une réputation de galapiat du piano à bretelles, ce que tout le monde lui pardonnait tant, quand il empoignait l’instrument, le soufflet lâchait des notes proches du frisson. Surdoué, ce fils de chef cantonnier et d’une institutrice a commencé il y a cinquante-cinq ans par les noces et les banquets qu’il animait seul. « à l’époque pour un mariage, c’était toute la journée, la tournée des bistrots, le repas et la soirée, c’était physique. L’essentiel, outre les mariés, des personnalités indispensables était la présence du curé, du maire, de l’accordéoniste et pas forcément toujours dans cet ordre ». Je l'ai connu au bord de l’eau, « Au rendez-vous des pêcheurs » à proximité des berges de la retenue de Sarrans où il avait ses habitudes. Le patron était un ami, un classard. Au bord de cet Aubrac où Christian aimait à se promener ou se ressourcer au pays de Jean Vaissade dont il se sentait inspiré, imprégné. Là-haut sur le plateau il rêvait, attrapait quelques mélodies, appréhendait les paroles du vent. Il y revenait en pèlerinage à la recherche du temps perdu, de l’autre époque, celle des souvenirs avec son père qu’il suivait partout et qui lui donna le goût de l’accordéon. À dix-sept ans, âge où d’autres ne mouchent pas encore leur nez tout seul, il possédait déjà son propre orchestre. Lui l'enfant d’une institutrice, petit fils d’une directrice d’école, titulaire uniquement du certificat d’études, entrait dans la vie de plain-pied, la dévorait à belles dents. Une trajectoire à l’aune de celle de Jean Segurel. Les obligations militaires le rattrapaient et mettaient entre parenthèses sa carrière et un peu de discipline dans son existence. Libéré il joue avec Thivet. Monédiéres en fait un pilier de sa formation pendant dix-huit mois. Mais le gredin reprenait vite cette liberté qu’il chérissait tant, remontait un orchestre. Depuis il n’a eu de cesse de parcourir la planète accordéon, de bals en galas. Il n’a jamais lâché l’instrument, entraîné dans un tourbillon, une valse effrénée, mouvement perpétuel de milliers de danseurs, de festival du piano à bretelles en nuit du musette. Jamais lassé, interminablement, inexorablement, le musicien goûtait particulièrement cette vie de bohème érigée en art de vivre, dissipé entre la fête et les copains. Il ne se privera de rien, donnera beaucoup, partagera essentiellement sa bonne humeur. Parallèlement il compose, écrit, trouve sa place dans le milieu . Musichini ou Aimable, Sony et Privat, Verchuren, Thivet, Larcange, excusez du peu, jouent ses mélodies. Lorsque Christian Peschel empoigne l’accordéon, les spécialistes vous le diront : la terre tourne différemment, le temps bloque l’aiguille des heures, le soufflet du pauvre prend une autre sonorité, sonne Peschel. Le musicien possédait ce toucher au style singulier, cette mesure ludique qui ne se cantonnait pas uniquement dans le musette. Il aimait à tâter parfois du folklore pourvu que « les potes soient bons », comme Didier Pauvert auquel il vouait un véritable Respect. Le cabrettaire sanflorain restait la référence de l’instrument, mais aussi un ami. Christian ne reniait rien de sa destinée, de ses choix, des chemins tortueux empruntés par ses compositions et la manière dont il doit les jouer dans ses différentes prestations. Il montrait cependant une certaine amertume : « Les discos mobiles ont tout fusillé ». Consolation et non des moindres, à l’étranger « le french musette » possèdait sa petite notoriété dont il profitait pour voyager dans toute l’Europe avec des galas à Budapest, à Londres, Berlin, voire au Canada, « Je pense avoir gardé ma personnalité, mon amour pour cette musique ». Il regrettait le temps où le bal remplissait les salles des fêtes. « Mais dans votre région on constate un vieux fond de culture pour cette musique populaire, on fait toujours danser trois générations chez vous », lâchait-il pour se rassurer aussi. Avec lui de toute manière c’était constamment la vogue. Gourmet de la vie, l'instrumentiste ne refusait jamais de la déguster dans la bonne humeur, entre amis de préférence. Le garnement ne s’était pas assagi, un peu plus âgé certes. Mais le crabe s’est emparé de son corps et la fête s’est terminée dimanche 20 octobre 2019 vers 16 heures. Au même moment nous parlions de lui avec mon camarade du rendez-vous des pêcheurs. Une coïncidence, mais c’est tout. Pour quelqu’un comme moi, chez qui le musette reste une lacune. J’appréciais son jeu, son toucher, si différent de celui des autres. Chaque fois qu’il passait par là, il me faisait signe pour m'informer de son actualité : un CD, un DVD. La vieille édentée a fini par le faucher à 70 ans. Les amateurs de musette sont désormais orphelins. Ne pleurez pas il n’aurait sans doute pas aimé. Personnellement j’ai toujours, au fond de ma discothèque certes, plusieurs de ses enregistrements. Hier, j’en ai posé un sur la platine… « Hasta la Vista Christian ! »


Les articles les plus consultés

Cristiane et Juan futurs praticiens dentaires !

Une chasse aux œufs en pleine cité thermale

Restitution du projet de cour oasis