Des gestes barrières efficaces et indélicats.
Après quelques semaines de fermeture le
bureau de la Poste reprenait ses activités, ce mardi matin, dans le
strict respect, bien évidemment, des gestes barrières. Je me dois
de vous narrer ma mésaventure. La télé surveillance peut en
attester. Trop heureux d’alimenter mon compte bancaire avec quelque
argent gagné laborieusement. Me voilà entre les portes grandes
ouvertes de l’établissement, chose rare. Je m’apprête à
m’engouffrer… Mais un cerbère, jamais aperçu auparavant, masqué
de plus, « m’invite »
à rester au-delà du paillasson. Je pensais le port du voile
interdit dans les lieux publics. Un « téléphone
intelligent » en main il
me demande de m’arrêter. La formule de politesse oublieuse. Qui
est-il ? Quelle est sa mission ? Surpris, d’autant que
je ne vois personne d’autre, j’obtempère. Pipelet accepte que je
me rende au guichet après lui avoir donné le motif de ma présence.
Verser de l’argent sur mon compte courant. Il m’accompagne. On ne
sait jamais, des fois que je me perde. La préposée que je connais
par ailleurs n’a pas le temps de vérifier la somme que je lui
présente. Le fâcheux, l’indiscrétion
patente, le ton à
l’aune, pose la question « d’où
provient cette somme ? ».
Je réponds en substance que cela ne le regarde pas et que je ne le
lui dirais pas. Le loustic
s’offusque… Je reprends mes billets et je file, me voici grognon
pour la journée. L’individu
prononce quelque chose, une amabilité sans doute, à
vérifier avec la vidéo. Je me
refuse à rétorquer :
je ne souhaite pas devenir bougon en plus. Voilà la définition des
gestes barrières du quidam : vous dissuader de verser de
l’argent dont vous ne voulez pas avouer l’origine. Je n’allais
pas lui dire qu’il s’agissait du bénéfice de la revente juteuse
de faux masques de... Zorro.
Il serait allé le répéter à tout le monde. Voire le croire. Je ne
vais même pas écrire une subtile missive à son patron, ce serait
lui accorder l’importance qu’il ne détient nullement. Et
moi perdre mon temps. Juste un
indélicat qui use et abuse de son petit pouvoir. Ce soir vous serez
deux ou trois cents à lire ce billet. La messe est dite et sa
réputation affirmée et affermie. Et c’est ainsi…La suite
appartient à ce cher Alexandre Vialatte.