Aldo, son chapeau et les oiseaux.
Lorsque Lætitia m’a informé qu’à Deux-Verges existait un
personnage et sa volière en plein air. Je me suis documenté pour
savoir de quoi il retournait. Rendez-vous manqué la première fois,
je n’avais par le bon numéro de téléphone. Puis une visite
inopinément m’a permis d’appréhender le site. J’y revenais
quelques semaines plus tard. Cataldo Lombardo occupe comme locataire
le logement au-dessus de la mairie avec jouissance du jardin
attenant. En fait je connaissais le personnage rencontré du côté
de Saint-Rémy-de-Chaudes-Aigues où il avait élu domicile. Puis il
a migré vers le sud, mais a vite compris que si sur l’Aubrac il
bénéficiait d’une qualité de vie avec pour inconvénient
l’éloignement des organismes de santé il avait préféré le
Midi. Mais il remonte rapidement sur le plateau « Là-bas
nous sommes près des services médicaux, mais avec la circulation en
ville et ailleurs, les files d’attente, on met plus de temps qu’ici
pour aller chez le médecin. Alors je suis revenu et comme mon
appartement était loué à Saint-Rémy, j’ai choisi Deux-Verges
pour finir. » L’homme est né en Italie avant de venir
travailler, tailleur, dans la confection en France à 22 ans,
jamais reparti. Il a voulu : « l’Aubrac pour me
reposer ». Nous nous installons donc au milieu de la
volière. Oui, car précisons, c’est lui qui le dit « Cette
volière a pour particularité d’être la seule au monde
entièrement en plein air sans grillage où les oiseaux sont en
liberté totale. » Baptisée Mascotte, le sobriquet d’un
petit chat mort à la suite d’un traitement vermicide surdosé par
un vétérinaire inconséquent. Le félin est inhumé dans coin et
son nom donné à la gloriette en souvenir. Il est comme cela Aldo,
avec son accent résiduel de l’italien, détendu, poète, généreux,
à l’humour pince-sans-rire. Il nourrit tous les oiseaux du
voisinage, passereaux de tous ordres. Il observe les volatiles cachés
par son couvre-chef rapiécé qui le transforme en épouvantail.
« Mais les moineaux savent, quand ils voient le chapeau,
qu’ils ne risquent rien et peuvent se restaurer tranquillement. Les
mésanges mangent correctement, proprement alors que les moineaux ils
en mettent partout et piétinent les graines ». Je pose la
question « Tout cela possède un prix de revient ».
Sans hésitation il répond « Ça coûte ce que je paye pour
les acheter » avec un sourire malicieux. Tout est ainsi
avec Aldo, en pudeur, étonné de ma présence pour cet article. Il a
agrémenté la volière de quelques objets artistiques : le
paquebot France, une gondole. L’espace évolue au gré de son
imagination avec ici ou là des inscriptions cabalistiques dont il me
donne la traduction. Aldo est aussi peintre. Il a enrichi la cage
d’escalier qui monte à son appartement de nombreux tableaux de son
cru. Je reviens au chapeau rapiécé, l’invite à s’en procurer
un nouveau et me répond. « Vous lancez un appel sur
internet avec votre article comme cela je pourrais choisir celui qui
me convient le mieux ». « Chiche ».
Voilà le tour est joué. Nous poursuivons notre conversation autour
d’un café avec Lætitia qui nous a rejoint. Effectivement les
volatiles viennent sans se préoccuper de notre présence.
L’atmosphère automnale est agréable, le dialogue plein d’humour
et de décontraction… Il suffit parfois de peu de choses. Aldo son
chapeau et les oiseaux vivent en toute sérénité dans ce minuscule
coin d’Aubrac loin du fracas du monde.