Rencontre avec le premier tatoueur de France.
Bruno
Cuzzicoli désormais jeune octogénaire honora de sa présence le
deuxième festival. L’homme fut un pionnier dans l’art de
l’encrage. Il fut le premier à poser une enseigne de tatoueur au
fronton d’une échoppe. Le premier en tout ce qui concerne cette
profession. L’entretien s’est tenu au sortir de la conférence
qui lui rendit hommage et lui accorda la paternité du tatouage
moderne. Rencontre au débotté entre deux véhicules d’un autre
temps notamment une jeep de 1943. « Ce que je pense d’une
telle manifestation comme ce festival de tatouage, c’est une pure
folie que d’avoir inventé une telle réunion. Il a fallu un grand
courage, de l’inconscience et de l’intelligence pour mobiliser
ainsi un village, toute une région... L’organisateur c’est un
sacré gars. Il fait un coup magistral. Des petits mecs comme lui il
en faut, pas seulement dans le tatouage pour faire avancer les
choses... C’est toujours par pure folie que les choses se font et
changent les mentalités... Mon émotion pendant la conférence
n’était pas due aux 150 participants, mais le fait que l’on
m’accorde la paternité du tatouage moderne. Tous ces jeunes,
toutes ces vedettes qui vous disent que je les ai inspirés dans leur
passion, leur profession, ça vous étreint et vous chialez de
respect. C’est pareil pour tout le monde... Ce que j’ai fait
c’est par simple passion avec l’inconscience de la jeunesse. Je
n’ai jamais rien revendiqué... Le tatouage moderne cinquante ans
plus tard a évolué, aujourd’hui pour peu que vous ayez un
employeur intelligent face à vous, si vous avez un tatouage ce ne
sera pas une mauvaise raison
pour ne pas vous embaucher. Un patron
tolère un employé tatoué... La vie, enfin ma vie a invariablement
tourné autour des trois mêmes points : la recherche d'autre
chose, l’insouciance, la curiosité, pour moi ce fut le tatouage...
Et ce que j’ai le mieux réussi ça vous étonnera sans doute c’est
mon mariage, mes épousailles... » Il aura à ce moment-là
un regard complice vers son épouse à quelques mètres de nous. Elle
même originaire du Nord Aveyron, connaît Chaudes-Aigues depuis
l'enfance. Il détournera la conversation vers la Jeep toute proche,
félicitera « le gamin » qui l’a retapé « Lui
aussi est inconscient en réparant cette voiture dont je me suis
servi en Algérie. Pour moi c’est inconduisible un truc pareil...
C’était la guerre. » Notre entretien s’arrêtera là,
la rançon de la gloire l’appelle. Monsieur Bruno, drôle de
bonhomme avec une philosophie singulière qui l’a amené au
tatouage après avoir donné dans la pomme de terre... « Intermittent
de la patate » comme il se plaît à le répéter. Après
ce parcours on ne peut qu'adhérer à l'hommage rendu... P.P.
Mr Bruno au centre avec la béquille |